Fragments-limaille


Un journal de fin de vie poignant offert par Sophie M. 
Des métaphores qui font écho. Christiane Singer qualifie son journal de "radeau de naufragée" p 117, de "projet de vie dans un temps qui m'a servi de réceptacle pour recueillir l'eau de source" p118, où "ce livre qui se prépare sera constitué de toutes ces bribes que je griffonne jour et nuit et qui s'organisent d'elles-mêmes comme limaille de fer sur champ magnétique." p 55
Une lecture de l'amour, de la maladie et de la mort dans une posture spirituelle. 
Tout magnifier sans lâcher le fil de la Merveille. p 22
Une présence au monde consciente, bras ouverts, sans négligence.
" Les vivants n'ont pas d'âge. Seuls les morts-vivants comptent les années et s'interrogent fébrilement sur les dates de naissance des voisins." p 28
" Amis, ne vous intéressez pas à ma maladie" vous la maintiendrez en état de solidité. Que seules ses métamorphoses soient accompagnées de votre amitié." p 32


Herbailles


"Voici, monsieur, mes misérables herbailles." Jean Jacques Rousseau

"La moindre feuille concourt à l'équilibre du vivant. "
Pierre Lieutaghi p10
Les herbes, fragiles, innombrables, par milliers, une immensité végétale, des cadeaux de fraicheur et de diversité.

" Une herbe folle en fleur
Etendant son nom
Je la vis autrement. " 
Teiji p 439
Le plaisir des mots, tout un monde, tous ces mots pour nommer la même plante, pour nommer une famille d'herbes.

Encyclopédie : ensemble de toutes les connaissances embrassées par l'esprit humain
Un livre avec de multiples entrées, poétiques, scientifiques, culinaires, écologiques, géographiques en France ...
Des classements, des descriptions, des définitions, des formes p 345, 325, des outils, des recettes, des recherches historiques,  des citations, des récits, des anecdotes, des dessins, des planches botaniques, des gravures, des tableaux ...
Gaston Chaissac p242 / La porte du chiendent Jean Dubuffet 1957 p229 / La Colombine Dürer 1562 p169 / Le bassin aux nymphéas Claude Monet 1895-1900 p117 / Rythme d'une plantation Paul Klee 1925 p 610 / J.J Rousseau herborisant à Ermenonville Aquarelle de Mayer XVIIIe siècle p 425 / La cueillette du Lupin Tableau de la santé d'Ibn Bothlân manuscrit XVe siècle p 419

Le plaisir des listes qui nous emportent dans les passerelles de nos analogies personnelles.

Un livre pour vagabonder, rêver et apprendre

" Les végétaux s'élancent en tout sens. A l'air libre. Immobilisés pourtant par leurs racine. Mais sans doute pour cette raison même, rien ne s'élance davantage, ne s'inscrit plus continûment. " 
Francis Ponge p317
herbes de la Bible, herbes de la mythologie, herbes du diable, herbes citadines, herbes des chemins, herbes folles, herbes d'eau, herbes littorales...

"Ou poser son regard quand tout est donné à voir ?" p 302
Le bonheur de l'observation, de l'espace, au sol, autour de soi, de la méditation.
" C'est près de l'eau et de ses fleurs que j'ai le mieux compris que la rêverie est un univers en émanation. "
Gaston Bachelard p 89

le velours de la sauge p 802
l'effroi des bambous p116
les roselières des oiseaux migrateurs p104
( roseau phragmite, massette, quenouille d'eau )
les cueillettes rituelles égyptiennes p 423
...

Promenades botaniques
" Un élan de promesse meut les pas. Pourtant l'abondance n'est pas ce qui incite à aller mais bien plutôt le ravissement de l'entrée dans un orde naturel qui sans cesse se révèle à mesure qu'on le découvre. Herboriser c'est dénombre davantage- comme insister mais légèrement. Sous un ciel reposé, aller d'herbe en herbe est une nonchalance somptuaire capable d'induire tous les modes de la promenade. Celui-là qui herborise ne suit pas une ligne droite, non plus que n'importe quel chemin tracé du monde. Suivre ses pas est presque impossible, tant la songerie est vaste, rigoureuse et égarée à la fois. " 
Denise Le Dantec p 421
La prochaine sera dans les Dombes p101 pour un paysage d'eau.


Espèces d'espaces


Le livre débute par la carte de la Chasse au snark de Lewis Caroll, j'aime ce tissage dans mes lectures. 

De la page au lit, de l'immeuble à la rue , de la ville à l'univers.
Un regard et des pensées.

Lectures visuelles
"Déchiffrer un morceau de ville"  p102

- Un livre liste 
J'aime les listes pour unifier du divers, catégoriser, développer une pensée créative et libre. 

- Un livre poétique 
Comme des poèmes en prose, je pense à Francis Ponge et son savon qu'il développe dans toutes ses bulles. 

- Un livre fragments 
Des banalités, de l'intime, des définitions, des associations d'idées, des énumérations, des inventaires  des jeux de mots, des séries à règles p108, des jeux p 167
Ici pas de dissertations, ni d'argumentations, juste une pensée posée et ordonnée avec fantaisie 
et souvent des questions  
" Habiter une chambre, qu'est-ce que c'est ? " p50
" Comment penser le rien ? " p67
" Les gens dans les rues : d'où qu'ils viennent ? où qu'ils vont ? Qui qu'ils font ?" p104
" De temps en temps , pourtant, on devrait se demander où on (en)est, faire le point: pas seulement sur ces états d'âme ... mais plutôt par rapport à un lieu ... " p164
  
- Un livre souvenir
" L'espace ressuscité " qui fonctionne comme une madeleine proustienne p46
" les bombes du temps " p 109

- Un livre méditation 
Se fixer sur l'ordinaire, l'insignifiant, l'anodin, sur une chose, un lieu et se laisser vagabonder dans le choix du sujet.
Recherche de l'exotisme dans l'ordinaire p104
Se remémorer jusqu'à le revivre, dans l'attente des "plus grandes révélations" p49 
p43

- De belles épigraphes en tête de chapitres 
"J'écris pour me parcourir." Henri Michaux
"Lit= île" Michel Leiris
"Etant donné un mur, que se passe-t-il derrière ?"  Jean Tardieu 
" Les toits de Paris, couchés sur le dos, leurs petites pattes en l'air."  Raymond Queneau

- Des mots
Quelques mots savants et un répertoire, à la fin du livre, avant la table.
Nycthéméral :alternance jour et nuit 
Eocène : époque géologique, l’émergence des premiers mammifères modernes
Ectoplasmique : Émanation visible produite par un médium

Altérité et réciprocité


Un livre musical polyphonique, un texte sur l'oralité avec des monologues enivrants, des paroles plurielles qui évoquent souvent l'indicible.
Ce livre m'a beaucoup touché, particulièrement sur l'approche horizontale de la relation pédagogique. Chacun, chacune apprend de l'autre, dans une très belle posture de parité d'estime.
Le médecin apprend de ses patientes, de son interne et inversement.
Personnellement, je pense en écho ce que j'apprends avec les élèves et les stagiaires.

Ravages



Une femme parmi les hommes raconte la fermeture d'une usine.
Un texte fort et pudique qui rend hommage dans le respect.
Ecrire pour transmettre, témoigner, combattre l'oubli, ne pas se résigner, un texte de lutte intérieure.
Les derniers survivants font équipe dans la peine et la révolte, tout ce travail bien fait qui se jette.
Les émotions sont à fleur de mots.
Une vie qui se transforme, les bleus de travail épouvantails, les machines inertes, le silence, la tristesse, la drôle de danse des oiseaux perdus dans l'espace en démolition.
Et puis de très belles photographies, une esthétique d'une réalité ravageuse.
http://www.blurb.com/b/6194888-la-mort-du-feu

La chasse au Snark



La chasse au Snark, un genre littéraire, le nonsense, les paradoxes du sens.

1-
  • un monstre,
C’est quoi un Snark ?
Lewis Caroll répond au dernier vers de son texte.
“ Car le Snark était bien un Boudjeum, voyez-vous. “ un double monstrueux.
  • un territoire
Le snark vit sur une carte blanche, sur un territoire hors carte, un lieu accessible par bateau qui navigue à reculons.
  • Une quête  sombre
Une chasse dangereuse d’une hallucination collective, un combat, une lutte mi-rêve, mi-délire.
  • un équipage
10 membres , tous se définissent par leur métier.
Tous les métiers commencent par la lettre B.
le « Bellman », crieur des rues ou avec sa cloche « Bedeau-crieur »,
le « Boots », garçon d’étage, cireur, (le « Brosseur »),
le « Barrister » ou « Bâtonnier »,
le « Broker », huissier ou recors (le « Basochien »),
le « Billiard marker », garçon de billard d’un café (donc « Buvetier »),
le « Banker » (« Banquier »),
le « Baker » (« Boulanger »),
le « Butcher » (« Boucher »)
exception animale, le « Beaver » (castor ou « Bièvre »), l
  • une énigme
comme un puzzle , avec des tas de pièces, de références, de jeux, de questions, l’indicible de la chasse au Snark, la condition humaine ? la recherche du bonheur ?

2-
Le Snark a un double monstrueux le Boojum.
Mot-valise , un tout unique avec une fusion de 2 mots.
Snail et Shark : escargot et requin 
ou 
Snake et Snark : serpent et requin
Fumant et furieux vers ou la pensée oscille ? fumieux
« fuageurs assauts » du « Bandersnatch » (« furieux et rageurs »)



3-
     - 3 créations animales
le « Jubjub », oiseau que l’on ne voit pas mais dont on entend le cri-note-chant qui retrace l’évolution du verbe avec les trois stades du cri originel transformé en note puis en harmonie.
Le « Bandersnatch », qui apparait  chez Alice : monstre cétacé cauchemardesque, doté de « cruels crocs qui claquaient en tous sens »
Le « Boojum » enfin, qui a pour particularité d’évoquer la terreur enfantine ( le « Boo ! » qui fait peur) et le jeu « Peek a boo… boo ! ») : surprise ludique peut-être apprivoisée mais qui n’en déclenche pas moins un frisson existentiel.
La finale en « jum », elle peut évoquer, nous dit Carroll, un soupir ou le bruit du vent difficilement identifiable.
  • 3 derniers chants qui décrivent 3 formes d’évanouissement pour 3 personnages qui ont un A comme originel qui suit leur B.
la fin du bâtonnier qui sombre dans un délire judiciaire.
la fin du bellmann qui sombre dans une folie de langage
la fin du boulanger qui sombre dans un vide existentiel


8 -
Le texte se divise en 8 parties, 8 poèmes narratifs


11-
11 ans après Alice au pays des merveilles


41-
41 quatrains rimés


42 -
le boulanger et ses 42 malles, l’âge de Lewis Caroll lorsqu’il écrit

1876 - 
parution de la chasse au Snark

1929 -
Aragon  traduit pour la premiere fois le texte

Sources documentaires :
https://books.google.fr/books?id=7Suy2rHnB8cC&pg=PA24&lpg=PA24&dq=gille+deleuze+chasse+au+snark&source=bl&ots=pja3ZfQPxy&sig=klYF-AaMeN_zT1zobxby1JEwVAg&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjEo4CQqf3KAhUFiRoKHR-lCJAQ6AEINjAF#v=onepage&q&f=false

Au bonheur des morts




Merci Anne pour le partage de la recherche de Vinciane Despret. 
La posture de cette philosophe se différencie des positions couramment partagées, le fameux "travail de deuil" comme seule réponse offerte. Un fond théorique de la " doxa psychologisante ", un réflexe de la pensée où le deuil est un devoir de sauvegarde psychique qui concernerait le vivant.

La possibilité du recevoir est la condition du don. 
Un livre qui interroge des représentations. 

Un livre qui pose des questions. 

- Est-ce que les morts rendent les gens très inventifs ? 
- Avons-nous perdu l’habitude de penser que les morts peuvent faire des choses pour nous ?
- Est-ce que les morts se soucient de nous ?
- Comment les morts prennent-ils soin des vivants ? Sont-ils généreux ? 
- Invitent-ils à renouer avec la vie ? à tisser la toile de la vie ?
- Les rêves sont-ils des espaces pour les morts ? Par quel espace onirique, par quelles structures de rêve les morts nous livrent des messages de mobilisation ? bouger, envoyer, transmettre, relier.
- Quelles sont les énigmes que nous donnent les morts, les signes qui intriguent les évènements ?
- Les morts aident-ils les vivants à penser ce qui leur arrive ?
- N'avons-nous pas perdu la capacité à sentir leur présence ?
- En quoi le positivisme d'Auguste Comte amorce une conception dominatrice, une version laïque, matérialiste et désenchantée de la théorie du deuil devenue prescription ?
- Que penser du recours au symbolique dans la lecture des anthropologues ?
- Quelle est la place que font les vivants à ceux qui partent ? 
- Peut-on aider les morts à s'accomplir ? Peut-on leur offrir plus d'existence, un supplément biographique ?
- Qu'est-ce que la capacité négative ? Pourquoi il est important de faire la paix avec l’ambiguité, d'accueillir une pluralité de versions, de vivre en plein accord avec les contradictions ?
- Comment Vinciane Despret enrichit et dévoile la pluralité des manières d'exister et d'habiter le monde en fabriquant des relations avec d'autres formes d'existence ?


Vinciane Despret - L'inventivité des morts 


Ecchymose



Je suis impressionnée par ce texte, ces mots-là, ceux d'Anne Monteil-Bauer, les siens, les nôtres, cette histoire, ce bout d' histoire.
Anne Monteil-Bauer est une artiste dans le sens qu'elle fait oeuvre d'un pan de sa réalité .
Faire oeuvre dans le double sens du travail et de l'art.
Dans le texte d'Ecchymose il y a ce passage du singulier à l'universel qui dépasse l'écrire de soi.
Cette violence vécue est devenue matière à écrire.
Les mots m'ont happée, ils racontent, ils expliquent, ils tournent. 
Les prénoms sont des hommes, des femmes, des facettes, des points de vue, des bribes, des instants.
 
Ce livre parle aussi d'amour,  un amour immature, fusionnel, passionnel, un amour-drogue, un amour-coupable, un amour de jeunesse immense, un amour sombre, lové dans le clair-obscur de la violence.

La mémoire est ici enfermement et solitude, écrire est une clé. 
"Les cicatrices de Jeanne , c'est sa mémoire qui ne s'arrête pas."
Les mots ont cette force. 
Comment peuvent-ils décrire autant de violence, de brutalité, de domination ?
La souffrance, la honte, le mépris de soi,  le refoulement, la peur d'être jugée, la peur de la pitié, la peur de l'apitoiement, Anne Monteil-Bauer l'écrit. 


J'ai très peur de la violence, je la connais, je sais qu'elle existe. Je sais qu'elle est à côté. J'ai peur du silence qui encaisse, le poing dans la poche. J'ai peur de Sade. J'ai peur des rictus.

" Je dis toujours la vérité, pas toute." énonçait Jacques Lacan .
Ecchymose c'est une très belle vérité avec ses blancs sur le papier. 
Le blanc tourne autour des mots. 
Ces blancs me parlent d'indicible, d'un indicible enfoui dans la mémoire. 
Tout ce blanc dans ce texte, c'est beau, c'est entre les lignes et c'est vertigineux. 

Observer



J'ai aimé lire ces notes, particulièrement la dernière série autour des restaurants parisiens asiatiques. Ces billets ont aiguisé mon observation sur tous les invariants déco de ces espaces, jusqu'à la qualité des aquariums dans le paris asiatique. C'est drôle et intime dans l'observation. Ce livre pourrait être un blog, une collection, une série photos ... 

Retour à Weimar



"Oui, je suis une romantique comme l'a été notre république de Weimar ..." p 88 
Merci Geneviève pour le partage de ce petit livre qui chemine, qui laisse sa trace par surprise aux détours de mes pensées. Ce témoignage de Anne-Marie Hirsch, nomade, " allemande d'ailleurs " p102  me touche, m'avertit, me conseille, me questionne.
"Combien de séjours à Halle dans ma vie ? 
Séjours brefs, irréels ... affronter l'intolérable passage. "
Les visites aux parents en DDR-nasse sont très émouvantes. 
" Une école d'humour, d'ironie et d'imagination" p118, le romantisme allemand sauve l'auteure. Sa culture classique transmise par sa mère lui permet de garder distance, de re-garder la montée du nazisme avec une grande lucidité.
Ce livre est un très beau message sur la culture. La culture et l'amour qui permettent à Anne-Marie Hirsch d'échapper à la folie destructrice de l'époque.
Goethe, Schiller, Wieland, Heinrich Heine, E.T.A Hoffmann, Hölderlin, Thomas Mann, Franz Werfel, Bertolt Brecht, Erich Fromm, 
Beethoven, Bach, Johannes Brahms, Anton Bruckner, Gustav Mahler, Richard Strauss, Arnold Schönberg, Maurice Ravel, 
Gropius, Kandinsky, Klee, Feyninger ...
J'ai eu envie de chercher quelques portraits de ses artistes qui appellent à la liberté et à l'universalité de l'humain .... 
quelques images de lecture. 

Pas un été sans crâne d'éléphant



Il faut se laisser emporter dans la folie jubilatoire de Salvador Dali qui s’autorise la fantaisie, le rêve au quotidien. L'’œuvre de Dali c'est aussi sa vie.
Ce journal reflète une personnalité hors du commun, loufoque, excentrique, arriviste.
L’artiste joue frénétiquement avec ses propres contraintes, l’excès, le grandiose, le luxe, le snobisme, le scandale, les farces, le cocasse, les bizarreries.
Il aime faire déborder la coupe.

Pulsions poétiques

Des couples d'amis se retrouvent sur une île de Bretagne.
J'ai aimé ce livre à la lisière du rêve, au fond des tréfonds de la pensée.
Je l'ai lu lentement pour me laisser porter par les mots, les sensations , les parfums.
L'imagination se déploie au service des images, de tableaux quelquefois sensibles, quelquefois poétiques, quelquefois fantastiques, quelquefois acides. Je pense à Jérôme Bosch.
On trouve dans ce texte des fragments , des portraits en puzzle avec de l'après avant de l'avant, des échos de personnes à personnes, où les énigmes se succèdent chacune à leur tour, où chacun revient comme un refrain.
Tout se dit, se raconte, avec quelquefois des grands raccourcis, des ellipses, des flux, des flots de mots.
Les pulsions de vie et de mort se font écho.
La mort en fantôme intrusif, joue quelquefois à Alice au pays des merveilles, dans le temps et dans l'espace à travers le territoire organique du corps d'une femme.
Pourtant , ce n'est pas la mort qui m'a le plus attirée dans ce livre, c'est le très vivant, la pulsion de vie,  le plus encore à vivre, à prendre.
" Ce qui est maintenant est ce qui commence. " 
La libido galopante de certains personnages crée une tension vers une énergie pleine, une magnifique vitalité des sens et de la pensée.
Et en vrac la lumière p 86,92,100,120 ; le temps, p 96 ; un récit p 146 ; la douleur p 151, 155 ; une résilience p 156 ; la jubilation p 181 ; une catastrophe p 211 ; le champagne p 260 ; le bac p 295 ; p 299 les avions dans le ciel ...
interview de Marie Desplechin

Herbes folles

"Elizabeth et son jardin allemand"
Elizabeth Von Armin, 1898, 174 p

Merci Geneviève pour le prêt de ce texte qui m'a quelquefois amusée, quelquefois enchantée.
C'est le journal intime d'une comtesse ironique,impertinente, moqueuse qui va fuir les mondanités, le factice ,les conventions pour un jardin en Poméranie, une demeure en Prusse orientale.
Son choix de solitude émerveillée dans un jardin est une transgression du code du savoir-vivre, elle passe comme une excentrique dans son milieu.
Sa joie s'ébat dans les herbes folles, la prairie de graminées, les forêts de pins, l'ombre des acacias, la fierté des hêtres, la lumière argentée des bouleaux, le battement des ailes des corneilles, la douceur d'une plume de hibou.
Elle décrit un florilège de senteurs , de couleurs, de sensations. 
Quelquefois, elle s'adonne à la rêverie, la plupart du temps, elle jouit de sa liberté dans une fête des sens et un ravissement esthétique, en bonne compagnie avec elle-même, intérieure.
Je l'imagine femme-enfant, très svelte, aérienne, pleine de grâce. Femme-enfant parce qu'elle prend l'instant présent en entier, sa pensée est collée à ce qu'elle ressent, inondée de nature, de ciel, de soleil.
Seule, elle peut danser de joie dans son jardin.
Elle joue avec les graines, la terre , les roses thé, comme un enfant regarde et joue avec l'eau qui coule, un enfant qui tente des expériences, qui s'asperge par mégarde , qui rit d'être mouillé. 
Les autres l'intéressent peu.
Elle est enivrée par la verdure, absorbée par son bain sensoriel, portée par le cycle des saisons, le grand air, l'appel du dehors.
J'ai été saisie par les dernières pages qui évoque une hivernale promenade en traîneau avec un pique-nique au bord de la mer Baltique gelée. Elle raconte la couleur diamant du silence de givre, de glace et de neige.

Etrange viscéral


Une lecture exotique.
Exotique dans le sens de l'insolite psychiatrique.
Je suis allée dans des contrées étranges, lointaines, totalement inconnues. Ces contrées  sont des pensées intérieures de profond dégoût, de distance devant les matières organiques, le biodégradable. Ce biodégrable, c'est surtout la nourriture, mais aussi les organes, la chair. Jamais ces pensées ne m'effleurent et pourtant elles doivent bien exister dans la tête de quelques personnes que je côtoie dans mon quotidien. C'est impressionnant.
On peut penser aux décompositions dans les films de Peter Greenaway. Des pensées froides, dégoûtantes, teintées de grande solitude.
Le mode  du ressenti s'opère par la perception, une perception par les entrailles, les sécrétions, les odeurs.
La maladie , la démence sénile, la mort,  sont les fils conducteur des deux textes. Les sentiments s'expriment très peu avec des mots ou des souvenirs. Il s'agit plutôt d'une expression par la description minutieuse d'un présent très cru, parfois cruel ; d'un présent organique, quelquefois presque poétique, quelquefois presque obscène.
Une lecture qui souvent dérange. 

" Fossiles de l'instant "


C'est un livre qui se déplie et qui se déploie.
Un objet qui me rend joyeuse, qui m'évade et me fait partir, qui ouvre beaucoup de liberté.
Le bastingage des "remarques marginales" est un écho magnifique à la pensée foisonnante de l'artiste. Ce sont ses idéotraces. 
Les peintures d'Alechinsky sont ponctuées par un abécédaire de titres.
J'aime autant les titres que les peintures.

Voici ceux que je préfère :
" Fossiles de l'instant "
" Escampette "
" Février orfèvre "
" Couloirs instinctifs "
" La découverte du peu "
" Poivre des rues "
" La découverte du peu "
" L'ainé de mes soucis "
" L'or du rien "
" Le passé inaperçu "
" Sucre et sel "
" Le sac de lignes "
" Se battre pour le bleu de prusse "

Pour compléter cette note, un très bel article de Dominique Hasselmann sur remue.net

Baaroum !




Ce livre m'accompagne depuis  la naissance de mon premier enfant. C'est un très beau texte pour les enfants qui donnent beaucoup d'émotions aux adultes qui leur lisent. Lorsque je serais grand-mère, j'aimerai être aussi généreuse et vivre l'intensité de la relation qui apparait dans chaque chapitre.
 
Voici ce que l'école des loisirs en écrit :

L’Oncle Éléphant a plus de rides qu’un arbre n’a de feuilles, qu’une plage n’a de grains de sable, qu’un ciel n’a d’étoiles. Il ne s’amuse plus à compter les années passées, il préfère compter les maisons, les champs, les poteaux télégraphiques qui défilent lors d’un voyage en train. Mais là aussi tout va trop vite. Alors, il trouve des moyens pour ralentir la vie, des séries de plaisirs fantastiques, comme compter une par une les épluchures des noisettes après les avoir mangées. Ou encore parler au génie de la lampe de son salon (une pauvre araignée cachée) et lui demander un veston à pois avec un pantalon rayé, une boîte de cent gros cigares et finalement accepter de réaliser le souhait de son génie. Ou saluer chaque jour nouveau en barrissant à tue-tête. Et même enfiler tous les vêtements de son placard pour devenir un mille-feuilles drolatique de cravates et de pantalons. Inventer des histoires et créer des chansons. Tout cela pour faire fuir le chagrin de Petit Éléphant.

Courage, engagement et travail

 

04-2008 Lire le courage de vivre malgré le traumatisme d'Auschwitz et la perte de ses proches m'a beaucoup impressionnée.
Quelle femme politique ! Bravo pour son engagement autour de l'amélioration des conditions carcérales. Bravo  pour sa loi sur l'avortement votée en novembre 1974 !

Expressionnisme baroque



12-2010 Merci à Angèle et Clara pour m'avoir fait connaître ce texte lors de la représentation "Agamemnon" des terminales option théâtre, particulièrement le monologue de Clytemnestre ou le crime.
J'ai été enchantée, enivrée par la musique et la puissance de cette prose lyrique. Tel un feu d'artifice, il faut se laisser partir dans le rythme éclatant des détonations, dans un flux continu de mots.
Dans la préface qu'elle écrit 35 ans après,
Marguerite Yourcenar évoque la violence cabrée de son texte. Oui, c'est aussi pour cela que j'aime ces textes sur l'expérience passionnelle.

Les poings dans les poches




02-2011  Ce texte est beau et pourtant souffrant. C'est une mise en mots d'un deuil, le deuil d'un enfant, d'un bébé. Partager cette douleur avec un texte, c'est généreux, c'est courageux. C'est  beaucoup d'humanité pour affronter la singularité de nos propres deuils.
J'aime lire le vrai , la vie des gens, comme toi, comme moi, la vie des gens ordinaires et la vie des gens extraordinaires. J'apprends avec leurs témoignages, leurs sentiments, leurs émotions. J'aime lire le vrai des autres et ce livre est authentique, juste, sincère. Il parle du silence, de ce silence si faux qui ne panse en rien les blessures et les traumatismes, qui garde la souffrance les poings dans les poches

Bulles à pensées


 

01 - 1993 Une variation autour d'un objet du quotidien, " de taille raisonnable, où la raison ne se perd pas ". J'aime le rythme lent, contemplatif de Francis Ponge et pourtant si vif à l'intérieur de ses pensées. Un livre intime, généreux .
Merci Adonelle, je suis impressionnée par ta citation de mémoire , de souvenir, des mots du Poète Ponge au sujet de l'insignifiant. " Qu'y a-t-il de plus engageant que l'azur si ce n'est un nuage à la clarté docile ? Voilà pourquoi j'aime mieux que le silence une théorie quelconque, et plus encore qu'une page blanche un écrit quand il passe pour insignifiant."
Francis Ponge, Pièces, Gallimard, 1962

Rêves dessinés



01-2010 Je suis allée chercher ce livre hier après l'avoir commandé. Je l'ai feuilleté avec mes filles cette après-midi en leur racontant l'expo que j'avais visitée en juillet dernier.
Les dessins aux crayons de couleurs de Luc Schuiten sont émouvants. Les hommes sont tous petits et vivent dans des sculptures végétales débordantes de vitalité. La lumière est douce. Les tâches de lumière dans la nuit sont attirantes, énigmatiques comme les lucioles.
Nous aimons ses maisons végétales. Dans le catalogue, nous nous sommes particulièrement arrêtées au chapitre de la cité Lotus et sur le web à la maison des 9 cerisiers.